lundi 2 février 2009

Nouvelle à finir (1)


Je vais mourir. Non pas aujourd’hui, mais qui sait de quoi demain est fait, alors je vais mourir. Peut être demain ou ce soir, dans une semaine ou un an, mais n’’importe quand, je serai toujours prêt.

Cependant la question du « comment » m’inquiète bien plus. On a vu des accidents de route arriver à des êtres qui avaient encore toute leur vie devant eux, ou encore les suicidaires en morceaux éparpillés sur un trottoir au pied de cet immeuble…
Moi je ne veux pas de ça. Pas de fanfare, pleurnicheries et cris de peur de la part de mes proches. De toute façon je n’ai pas de proches. Tout de même, je veux pouvoir partir en silence, et de préférence sans souffrir.
J’ai jamais cru en Dieu. Surement parce que je n’en ressens pas l’utilité. Je gagne bien ma vie en puisant sur la fortune de mes parents morts ( qui doivent se retourner d’entendre que leur fiston dilapide les investissement de papa ), ne suis jamais malade, ou très peu, ne me drogue pas, regarde le téléfilm du samedi soir, comme tout bon citoyen…. Non vraiment, je n’ai jamais eu besoin de quelque chose.
Une femme ? A quoi bon ? Je me contente de l’essentiel ! Evitant de près ou de loin ce qui pourrait se présenter comme un problème à mon bonheur. Je suis sûrement trop dur, et ma mère vous raconterez déjà toutes mes erreurs de jeunesse en fondant en larme sur votre épaule. Pauvre maman qui a toujours cru son fils était un surdoué…
Voilà 5 ans que je vis seul dans la maison familiale, et seulement 2 minutes où je m’inquiète de ma propre mort. On peut dire que mes géniteurs ont eu de la chance. Accident d’avion. Un réacteur a pris feu et en moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, l’avion s’est écrasé en pleine mer ne laissant aucun survivant. Bien que je considère cela comme une chance, je n’aurai pas voulu être à leur place. Je ne sais pas nager.
Je crois bien que l’ennuie me fait délirer. J’aurai avoir la chance de converser avec ma tendre mère, qui était si attentionnée envers les gens… Ou avec mon père qui semblait avoir créé le monde, tant ses connaissances étaient vastes. Ne pas pleurer. Et pour ça il suffisait que je m’abstienne de remémorer ces souvenirs tant douloureux. Je vivais dormais ma vie, certes pas celle dont j’aurais rêvé, mais dont beaucoup m’enviaient.
Un jour mon meilleurs ami m’a dit « Simon, un jour on fera un road-trip, on prendra mon vieux tacot et on fera le tour de l’Europe… » Longtemps j’ai voulu le croire, et j’ai attendu patiemment qu’on fasse nos bagages. Mais aujourd’hui Van ( oui, mon ami ), a fondé une famille, avec femme et enfants, crédits et tout ce qui s’en suit, et le terme « voyage » est désormais totalement sorti de son langage, à mon grand regret.
J’ai presque honte de toute cette richesse. Après tout, je n’ai rien fait pour mériter cela, et souvent je me dit que cet argent ne sera pas éternel. Alors si je dois mourir, je veux que ce soit avec le sourire, avec une vie derrière moi, et surtout sans souffrir bien entendu.
Il était donc temps que je me prenne en main.

Le jour était déjà en train de se lever, lorsque le téléphone me réveilla en sursaut. Quelques rayons de soleil tentaient de se frayer un chemin entre les persiennes, inondant le parquet de reflets miroitants. Ma main vint spontanément protéger mes yeux, tandis que l’autre repoussait la couette à l’autre bout du lit. Un pied, puis deux, et me voilà propulsé malgré moi vers la cafetière. Passant devant un miroir, je fus surpris de mon reflet: un visage aux traits fins, cachés sous un buisson de barbe brune. Un visage d’ange dissimulé sous une épaisse tignasse, dont les mèches les plus rebelles descendaient jusqu’à la base de mon cou.
Il était temps que je me reprenne en main. Cette nuit m’avait ouvert l’esprit.
Une dernière fois j’osai me regarder dans le blanc des yeux. Le vert ambre noyant mes pupilles me fascinait. Je pouvais sauver ce corps, et c’est-ce que j’entrepris après avoir bu mon café d’une traite.
Tel un chirurgien, mes mains habiles se trouvèrent performantes pour couper raser, soigner ce visage. Puis pour terminer la transformation, je me fis couler un bain dont les huiles parfumèrent rapidement tout la maison.
Une heure plus tard j’étais enfin prêt.






A vos plumes !

ADAGE MORTEL (?)



Du sang coule sur ses lèvres. Il en goûte l’amertume d’un coup langue, crache, et se tourne vers cette fille qui braque sur sa tempe un gros calibre. Ses yeux sont boursoufflés par les coups qu’il a reçus, mais il tente du mieux possible de discerner le visage de la personne qui le tient en joue. La fille doit avoir à peine 25 ans, plutôt élégante dans sa robe pourpre. Le genre de créature qu’il ramènerait bien dans son lit. Mais voilà, pour l’instant il est attaché à une chaise dans un hangar désaffecté, luttant pour rester en vie face aux coups de la jeune demoiselle. Si lui n’a jamais vu cette femme, elle par contre, semble tout connaître de sa vie : _ « Adam Malvy », inspecteur de police du district B de kystalia… Charmant pour une première rencontre n’est-ce ?, dit-elle tout en lui tournant autour. Il sent que si elle connait ces détails censés tenus secret, elle doit être allé chercher très loin. Seulement 8 personnes sont au courant de sa mission. _ « Qui êtes-vous ? », lui lance-t-il _ Vous n’avez aucunement besoin de le savoir, dit-elle d’un air hautain tout en passant une main dans ses cheveux couleur ébène pour se recoiffer. Elle se penche alors sur son visage, esquisse un large sourire et continue : _ Abandonne l’enquête mon chérie.... ça vaut mieux pour toi. _ Hors de question ! Vous devez savoir autant que moi le danger que représente cet enfant ! Je ne sais pas pour qui vous travaillez, mais je vous en prie laissez moi faire mon travail qu’on en finisse, répond-t-il La fille essuie le sang de sa joue, avec l’arme. Le canon froid lui provoque des frissons dans le dos. Cette peur s’amplifie lorsqu’il entend le déclic du percuteur. Elle s’approche alors de son oreille pour lui murmurer : _ Vanessa se porte bien ? Et Guillaume, votre petit dernier, c’est cette année qu’il doit aller pour la première fois à l’école, je me trompe ?... Ce serait bien dommage qu’il ne découvre jamais les joies de la scolarité… Faisant quelques pas en arrière, elle braque le 9mm en direction d’Adam. _ Au fait ! … On m’appelle Edda. Et je ne fais que rendre un service au professeur Gorlanova. L’homme lève vers elle un visage étonné : _ Le professeur Andreï Gorlanova ? Mais la réponse de la femme est étouffée par le coup de feu.

ADAGE MORTEL (2)



Le soleil venait à peine de se lever Andrei se réveilla en sursaut, s'assaillant sur son lit, les draps encore humides du cauchemar qu'il venait de faire : sa femme dans le lit d'un autre homme. Celui-là même qui s'était permis d'embrasser Anastasia... La chambre d'hôtel sentait le vieux et la poussière dans ce quartier modeste de la ville, mais il ne s'était pas senti près à rejoindre le domicile familial où il aurait dû affronter le regard de sa femme emprunt a cette tristesse féminine qui donne envie de pardonner. Seulement voilà, il y a des erreurs impardonnables, et seul le temps décidera de ses actes. Andrei avait encore beaucoup trop de choses à faire avant de se préoccuper de ses états d'âmes. Prenant son courage à deux mains, il se dirigea vers la salle d'eau pour laver non seulement son corps, mais surtout les fantômes de cette nuit. L'eau glissait sur son corps. Autant de particules qui allaient faire de lui un homme sain. Voilà à nouveau le cauchemar. Il leva la tête en fermant les yeux, et laisse le jet d'eau fouetter son visage. Il se souvient de la naissance de son fils unique Fédor. Un enfant qui était destiné à faire de grande chose, comme le mentionnait souvent Anastasia. "_ Si seulement elle se rendait compte de ce qu'il va devenir... " Les souvenirs s'entremêlaient dans les pensées d'Andrei. Il revoyait sa femme allongée sur la table d'accouchement et la voie de l'infirmière qui disait "_ C'est un beau garçon ! _" Puis le temps s'accélère et Fédor faisait ses premiers pas, trainant son ours en peluche qu'il avait surnommé "Bam", le premier mot de l'enfant d'ailleurs. Jamais il ne se séparait de cet ourson, il le gardait à table, au lit... Ils étaient même inséparable par la suite à l'école, et quiconque tentait de les séparer, se frottaient à de grosses crise de folie de la part du garçon. Andrei s'essuyait les cheveux quand il repensa au jour de la mise en place du projet HGM1, un projet formidable qui lui promettait beaucoup de succès dans sa profession. Devant un café encore fumant, accoudé au bar de la cuisine, l'homme rêvassait en contemplant la photo de son mariage accroché au mur. Le doux péché mortel de cette cigarette se consumant au bout de ses doigts, lui donnait l'impression d'être un autre homme, d'être celui qui malgré tout, serait l'homme de cette année, près a tout, quitte à braver les lois pour montrer sa détermination dans son projet. HGM1... Ces initiales le faisaient frémir à chacune de ses pensés pour son petit garçon resté encore hier dans son hôpital. L'expérience aura-t-elle réussie ? Mais pas le temps de faire des pronostiques. Le voilà déjà attrapant les clefs de sa voiture pour partir travailler. (*) (*) (*) Où suis-je ? La dame de hier n'est plus là. Je ne me souviens même pas de ce qui s'est passé... Bam est là lui. Je veux le serrer fort contre moi pour en sentir l'odeur, mais mon bras gauche reste collé au lit. Pourquoi ? Je vois... Je suis attaché. Mais pourquoi ? J'ai l'impression de connaître ces lieux, mais je n'arrive pas à me souvenir. Ma chambre ? Non, il n'y a pas les fausses étoiles au plafond. Peut être les a-t-on enlevé... Je ne me souviens de rien. Sur la droite il y a un objet qui brille, peut être qu'en étirant la main je pourrai l'attraper ? Allez, encore un petit effort. En secouant le lit pour s'en rapprocher alors ?... ça y est je m'en rapproche. Je suis a deux doigts de le toucher. Il brille très fort ! Je veux ! Voilà ! Je l'ai ! C'est froid... ça coupe... Mais c'est beau. J'aime. La dame reviens. Bam tu reste avec moi n'est-ce pas ? Elle s'approche de moi. Bam, elle veut mon trésor ! Empêche là ! Nooon ! Pourquoi j'arrive pas à parler ? Aucun sons ne sortent de ma bouche, pourquoi ? Elle n'auras pas mon trésor. Jamais ! Nooooon !... (...) Il n'y a pas eu de bruit. La dame est tombé sur moi, et je sens quelque chose de chaud couler sur moi. Il y en a plein sur Bam ! Bam ne sent plus comme avant... C'est la faute à la dame, elle a voulu me prendre mon trésor ! Vilaine ! Va-t-en ! La voilà qui tombe lourdement sur le sol. Elle a dû s'endormir. Peut être que mon trésor pourrait me libérer de ce lit ? Essayons. Oui ça marche ! Il fait froid par terre. Viens Bam, on s'en va. Ils sont méchants ici... (*) (*) (*) La demeure de monsieur et madame Valkof était, on ne peut plus imposante. Une ancienne résidence de chasse du dernier roi de France, rénové depuis plusieurs année déjà : les pierres blanches de la bâtisse avaient été rafraîchis, rendant un petit côté moderne au bâtiment, planté au milieu d'un immense parc boisé. Telle une démonstration de richesse, vous ne pouviez passer la porte de la maison sans vous faire remarquer par les vigils à l'entrée du portail, ni par les 2 caméras de surveillance longeant le chemin de castine. Venez avec moi chers lecteur... Ne faites pas attention à ces deux colosses, le père d'Anastasia n'est autre que Vladimir Valkof, le célèbre écrivain connu pour ses connivences avec le padre de la mafia russe. En seulement trois années il s'est fait une petite richesse personnelle dont on ignore la provenance... Anastasia buvait un café avec un homme qui n'était pas son mari. Cela était leur troisième rencontre, et bien qu'Andreï se fasse de fausses idées sur leur situation, suite a un rapide baiser qu'il n'aurait pas dû voir... Ce qui liait la femme de cet étranger n'en restait pas moins une raison économique, bien plus que familial. Anastasia venait d'engager un tueur à gage pour s'occuper de son mari avec toute la délicatesse qu'elle lui devait d'avoir voulu lui soutirer la chair de sa chair... ... Pendant ce temps, le sol des couloirs de l'hôpital se maculait de traces de petits pas ensanglantés.

ADAGE MORTEL (1)


"... Et après deux jours de combat intensif, soit près de 48h face à ce terrain damé, c'est finalement Deep Blue VII qui repartira avec le trophée du meilleur joueur d'échec ! (rires dans la salle) ... "
Andreï change la station du poste de radio. Il en a marre de tout. Il voudrait pouvoir sourire, mais impossible. Un vieil air de blues des années 70 empli soudain la voiture. Cela lui rappelle l'époque de sa jeunesse, loin de Paris, lorsqu'il habitait encore en Russie.
Un courant d'air lui effleure le visage. Un bras par-dessus la portière, l'autre avachi sur le volant, Andreï peste contre l'immense file de voiture qu'il a devant lui. Un coup d'œil à sa montre : 7h47. Jamais il ne sera à l'hôpital à l'heure. Le ciel est d'un bleu limpide, sans nuage. Andrei profite d'être à l'arrêt pour décapoter sa voiture. Il en est fier de sa Porsche boxter. Mais il aurait aimé se faire plaisir, à voir l'aiguille monter au rupteur... Au lieu de ça, elle indiquait le zéro absolu. Ce chiffre qui avait tant fait peur à l'homme, lorsqu'il n'était encore qu'un gamin sur les bancs de l'école... Cependant Andreï pouvait être fier de son cursus scolaire. Il avait finit par être chirurgien ! Ses parents voulaient qu'il soit Avocat. Mais jamais il n'aurait accepté le fait de devoir défendre la cause d'un tueur ou d'un violeur. La file devant lui commence lentement à avancer. Lente procession funéraire de carcasses d'acier. Sur le siège passager son portable sonne. Ce doit être l'hôpital qui s'inquiète. Ne pas répondre, ils n'ont qu'a attendre. Pourtant cela insiste. Le travail n'insiste jamais : ses collègues savent très bien ce qu'il pense des téléphones et de leur usage. Non, c'est quelque chose de vraiment urgent. Andrei allonge le bras pour attraper le téléphone. Quelqu'un a laissé un message sur la boite vocal. Mais déjà le bouchon disparaît, la circulation se fait plus fluide, et Andrei se presse d'atteindre la bretelle d'accès, puis reprend le portable qu'il avait momentanément reposé. "Vous avez un nouveau message... " Il sait. Il n'a pas besoin qu'on lui rappelle tout. "Andrei, c'est moi mon cœur ... Tu es où ? J'ai essayé de t'appeler à l'hôpital mais tu ne réponds pas... Il faut qu'on discute de ce qui s'est passé hier... Rappelle-moi dès que tu peux. Bisous mon chéri... (Voix off) Pour supprimer le message ... " Chut. L'homme éteint son téléphone. Ne plus penser à cela. Sa femme croit que tout peux s'arranger après une discussion. Et pourquoi pas une partie de poker tant qu'on y est ? On la surprend en train d'embrasser un autre homme, après 9 ans de mariage, et il devrait encore ressentir de l'amour pour elle ? Jamais. Son pied s'enfonce nerveusement sur l'accélérateur. Le portable, qu’Andrei croyait avoir éteint, se remet à sonner. Il s'en empare prestement. Anastasia. De l'autre côté du fil, sa femme a une petite voix de fillette en pleur, elle s'excuse de tout son cœur, se lamente, et tente de lui faire comprendre que ce n'était qu'une erreur... Et lui il écoute, entre la rage et l'amour, sans s'apercevoir qu'il a changé de voie, et qu'il a maintenant devant lui un 36 tonne qui klaxonne tout ce qu'il peut. Il ne voit rien. Il est dans son monde, celui de ses rêves. Un écran blanc se forme devant ses yeux et il voit défiler les meilleurs moments de sa vie avec sa femme. Une fille merveilleuse, rencontré à la fac à Moscou... 23 décembre 1973. Seul dans un jardin public, il attend avec un bouquet de roses blanche celle qui lui dira "oui" quelques années plus tard. Il est là, assis sur ce banc glacial, à regarder la neige tomber lentement. Les flocons forment sur le sol un tapis d'un blanc limpide, pur. Il sait qu'elle va venir. Elle l'avait promis au téléphone. Malgré le froid qui commence à le gagner, il décide de l'attendre le plus longtemps possible. Et c'est alors qu'elle arrive, encapuchonnée dans son manteau de fourrure, où seules dépassent deux tresses de la couleur des blés. Pas un mot n'est échangé. Elle s'assoit à ses côté, et instinctivement attrape sa main. Son cœur se réchauffe. Il tourne son visage vers elle, et se noie dans son regard. Ce regard gris clair, qui est celui de la fille dont il avait toujours rêvé, cette fille qui hantait ses nuits depuis qu'il l'avait vu, elle, petite étudiante dans cette immense bibliothèque, plongée dans ses traductions de Platon... Jamais il ne pourra oublier ces instants magiques. Le camion n'est plus qu'à quelques mètres. Le klaxon, la voix en pleur, le regard gris... Tout s'enchaine, Andrei revient au monde réel. D'un mouvement brusque il tourne le volant pour revenir sur sa voie. Ouf ! La sueur le gagne lorsqu'il sent l'appel d'air au passage du camion sur sa gauche. On ne prend conscience de la mort, seulement lorsqu'on la frôle. Et ce jour était enfin arrivé pour Andrei. La frayeur de sa vie. Au téléphone, sa femme est toujours là, continuant de le supplier de dire quelque chose. Mais lui se sent incapable de proférer un son. Il raccroche et jette le portable à côté de lui. La barrière de l'hôpital se présente désormais devant lui. Il présente son badge au gardien. Echange de sourires : _ "Bonjour Docteur ! Bonne journée !". La barrière se lève, et la Porsche va se placer sur sa place réservée. Pendant que la capote se remet en place automatiquement, Andrei s'empare de sa mallette. Puis il se dirige d'un pas pressé vers l'entrée du personnel. Direction : le bureau. Autour de lui c'est une fourmilière, les infirmières vont et viennent dans tous les sens, lui jetant des _ "Bonjour Docteur !... " À son passage. Mais sans jamais attendre sa propre réponse. Enfin, il entre dans son bureau, et s'effondre dans son siège. Son regard croise l'écran de son ordinateur : Déjà une dizaine de mails sont en attente. Mais aujourd'hui ses collaborateurs attendront. _ "Docteur, une urgence en salle d'opération... "... L'ange qu'il a en face de lui tente de le sortir de ses pensées. Ne pas penser à sa femme, le travail avant tout. Et d'un geste il ouvre son placard, prend sa blouse et suit la jeune fille tout en s'habillant. _ "Symptômes ?", demande-t-il, _ "Contractions pulmonaires d'un cobaye en phase 1", répond l'ange. Andrei presse le pas. La phase 1 est primordiale, ils ne doivent échouer. Arrivé devant la porte du bloc opératoire, il se tourne vers l'infirmière_ "Qui est sur l'affaire ?"_ "Le docteur Lossef monsieur"_ "Merci. Vous pouvez disposer. Et souvenez vous des règles." _ "Oui monsieur.". Andrei pousse la porte... Au milieu de la salle d’opération, un petit garçon d’à peine 10 ans, allongé sur un brancard sert un ours en peluche contre son cœur. Andrei s’approche de lui, et écarte délicatement les mèches de cheveux rebelles qui zèbrent son front juvénile. Les yeux bleu ciel du jeune s’ouvrent soudainement et fixent ceux du docteur. Andrei n’a jamais aimé les enfants, mais celui-ci était différent des autres…Il était bien plus qu’un enfant, il était le fruit de ses recherches, C’était la chose qui allait le rendre très célèbre. Le garçon tente un sourire, mais déjà la piqure de morphine commence à faire effet, il a du mal à garder les yeux ouverts. _ "Docteur, nous allons pouvoir commencer l’opération " La voix semblait venir de si loin ! Andreï était retombé dans ses propres rêves, lors de son mariage avec Anastasia, lorsqu’elle lui avait dit oui. Créer un être sans aucun état d'âme... Une créature à l'apparence humaine, mais qui ne pourra connaître la souffrance, qui ne sera jamais perturbé par les blessures amoureuses comme il était à cet instant. Son rêve venait juste de se réaliser, et dans son bureau, Andreï attendait avec impatience que l'infirmière vienne le chercher, ce qui voudrait dire que le cobaye avait enfin ouvert les yeux. Nerveux, le docteur tapotait la gomme de son crayon à papier sur le sous-main. "Et si l'expérience était un échec ?", se disait-il, "impossible. Cela fait plus de deux ans que je suis sur ce projet, je ne peux échouer si près du but... " Lorsque la demoiselle tant attendu vint chercher le docteur, celui-ci était excité comme un enfant à qui on annonce qu'il va avoir une petite sœur : il se leva d'un bond, se fit tout mielleux avec l'infirmière quand ils passèrent la porte, puis le sourire aux lèvres, il se dirigea vers la chambre du jeune. Celui-ci était étendu sur ce lit d'hôpital, tenant toujours contre lui son ours en peluche. Ses yeux étant toujours fermés, il se tourna vers l'infirmière : "Je vous avez pourtant dit de ne me déranger seulement à son réveil !"_ "Mais je... Le rythme cardiaque de HGM1 a repris son fonctionnement normal, et l'on a observé des flux nerveux au niveau des membres antérieurs docteur... ", S'expliqua la femme, tandis que l'aide-soignant acquiesçait d'un hochement de tête, tout en surveillant les courbes du cardiographe. _ "Evitez tout objet coupant à proximité de HGM1, sanglez le, et au besoin préparez une dose de sédatif si le réveil se montre compliqué."

(...)

Le soleil venait à peine de se coucher lorsque Andrei se réveilla en sursaut, s'assaillant sur son lit, les draps encore humides du cauchemar qu'il venait de faire : sa femme dans le lit d'un autre homme. Celui-là même qui s'était permis d'embrasser Anastasia...

LES 7 VIES D'UN CHAT (2)


Fuir au plus vite le brouhaha de ce monde si bruyant, tel était mon objectif. La vie de tout félin est gérée par deux critères primordiaux pour la survie de notre caractère affectif : le calme et les câlins. Tout humain ne respectant pas ces critères se voit généralement affublé d’une créature qui ne pense qu’à manger et faire ses griffes sur toutes les surfaces résistantes à ses griffes… Cependant, du haut de leur taille immense, les humains ne se préoccupent pas tant que ça de ce qui se passe au niveau de leurs pieds. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont si inhabiles lorsqu’ils tentent de vous éviter tout en marchant. C’est si drôle de les voir lorsque leurs pattes se croisent et se re-croisent jusqu'à la chute finale… Et à ce moment là vous filez vous cacher pour observer cet humain rabaissé à votre niveau, pester contre tout et n’importe quoi. C’est si drôle, mais tellement dangereux… Un jour je n’ai pas eu autant de chance, et le père de X m’est tombé dessus avant même que j’ai pu bouger le moindre coussinet. La masse de graisse qui s’était abattu subitement sur moi m’a longtemps fait souffrir, mais le pire fut la punition que m’infligèrent les parents de mon maître : obligé de passer la nuit dehors ! Vous n’imaginez peut être pas la gravité de la situation, mais à chaque fois que je me retrouve seul dehors, je suis à la merci de tous les chats errants du quartier, qui viennent me siffler aux oreilles des miaulements de jalousie, jusqu'à ce que je décide de me battre. Non pas que ça me déplaise de temps en temps de jouer des griffes et des crocs, mais… je prends énormément soin de mon pelage, j’évite au maximum de me mêler à toute effluve de violence.
Pour l’heure, caché sous la chaise vide de mon petit maître, j’entreprends une séance de toilettage. Depuis la porte d’entrée, je sais que le père est en train de me surveiller : il a peur que je saute sur la table pour voler. Mais s’il savait à quel point leur nourriture me dégoûte ! Mais j’aime les voir sur le qui-vive. Près à me bondir dessus à la moindre occasion… Délicatement je lèche une de mes pattes antérieures et me la passe derrière l’oreille. Je ne sais pas pourquoi, mais les humains ont peur quand je fais ça. Ils deviennent complètement dingues et crient dans toute la maison « Il va pleuvoir ! Ce stupide catas a passé sa patte derrière son oreille ! Et moi qui comptais profiter du soleil ! … »
Une bande d’idiots je vous dis… Comme si je pouvais modifier le temps d’un simple coup de langue bien placé. Remarque… Se serait bien si c’était possible ! Lorsque monsieur va faire du vélo, ou que madame prend la voiture dont elle ne sait pas mettre la capote ? Cruel que je suis !J’aime tant cela voir les humains souffrir… Il n’y a qu’un ici que je respecte : X. Et il me le rend bien croyez-moi ! A croire qu’il comprend mes désirs au moindre miaulement.
L’absence de réaction du père m’inquiète. Son regard semble lancer des éclairs, et la seule solution possible semble la fuite, avant que l’orage éclate. Alors d’un bond, je me rue dans l’escalier de bois qui mène aux chambres. Celle de X est tout au fond du couloir. C’est la seule pièce où mes coussinets se plaisent à fouler cette moquette si douce dans laquelle j’aime me rouler parfois sous les caresses du petit d’homme.
En parlant de lui, le voici allongé sur son lit, la tête entre ses bras. Se pourrait-il qu’il se soit laissé allé dans les bras de Morphée ? Non. D’une part, cela n’a jamais été dans les habitudes du garçon, mais aussi parce que je ne mis que peu de temps a remarqué la petite étoile cristalline qui se frayait un chemin sur la joue du petit.
Lorsque X est heureux, je le suis aussi. Et s’il est triste, je ressens chacune de ses douleurs comme si elles étaient miennes. Alors je me frotte contre son bras nu, dans un ronronnement qui est censé réconforter. Mais les larmes se mettent à couler de plus belles. J’ai beau scruter cette pupille humaine qui me regarde dans le vide, je n’arrive à sonder l’origine de ce chagrin. Une chose est sûr, je n’en suis pas la cause, car une main est en train de me parcourir l’échine. Je sens chacun des doigts du jeune explorer la moindre parcelle de mon pelage. Lentement mes paupières inférieures se ferment d’elles même, puis c’est au tour de mes paupières supérieures, alors que mes pattes plient sous l’effet de la fatigue. Je me mets en boule contre mon maître, en espérant que celui-ci aura la même idée : dormir pour oublier. Demain sera un nouveau jour.

LES 7 VIES D'UN CHAT (1)


Se tenant la tête pour ne pas sombrer dans le sommeil, Luca tente de faire bonne figure à table. Repas de famille, comme tous les 12 Février, pour célébrer l’anniversaire de madame Martin. Long et pesant sur l’estomac, cet amalgame de nourriture fait figure d’orgie romaine aux yeux du garçon. Comment des êtres aussi censés, se faisant appeler « Humains », pouvaient accepter toute cette pitance amenée gracieusement morte et décorative sur une table trop chargé en couverts clinquants et ridicules ? C’est jour de fêtes à la maison, et qu’il le veuille ou non, il en sera ainsi encore jusqu'à ce que la vieille dame nous ait quitté les deux pieds devant.
Madame Martin n’est pourtant pas un membre de la petite famille de Luca. Simplement une voisine de longue date, qui n’a plus toute sa tête. Ce genre de personne qu’on prend en compassion au bout de quelques années, lorsqu’on comprend qu’il lui reste peu de temps à vivre. Ce que les Hommes peuvent être cupide lorsqu’il s’agit d’héritage promis, faute d’enfants et de mari…
Je vois bien que Luca pense comme moi, mais impossible de manifester quoi que ce soit sous peine de me retrouver dehors. Il fait beaucoup trop froid à l’extérieur pour tenter ne serai-ce qu’un miaulement. Vous n’imaginez même pas dans quelle colère se met la mère, lorsque je vais sur le lit de mon petit maître ! Alors miauler pendant ce moment de culte au Dieu nourriture en deviens insensé. Cependant ce n’est que par peur du froid que je résiste à cette envi, qui me chatouille les moustaches, de me sentir exister. Juste un moment. Aussi bref soit-il, mais assez pour que Luca tourne son regard vers moi, qu’il comprenne ma solitude, et qu’il m’entraine dans son paradis du jouet qu’est sa chambre.
Bientôt 3 ans que j’étais dans cette famille. Jamais je n’en ai connu d’autre, mais comme j’entends souvent : « l’herbe est plus verte chez le voisin ». Mais Luca m’aime trop pour que je l’abandonne. Il a autant besoin de moi que moi de lui. Si la mère est une vraie maniaque de la propreté, le père est une vraie larve, qui passerait son temps devant les écrans si sa femme ne l’obligeait pas à faire des choses. Quand je dis des « choses » … C’est un bien grand mot ! Vu que les domestiques s’occupent de la majorité des taches ménagères. Même ma patté pour chat m’est servi par Trevor, le cuisinier. Tous les jours c’est le même manège, les gens vont et viennent dans la maison, sans faire attention à cette boule de poils blanc qui re-revisite pour la énième fois, chaque parcelles de la grande maison.
Rapidement mes paupières se ferment d’elles même, sans que je ne bouge la moindre moustache, bercé par les voix de ces humains et les claquements des couverts… Ce n’est qu’au bout d’un laps de temps (qu’il me serai impossible de déterminer) qu’ouvrant un œil, j’eu la certitude que le supplice de Luca prenait fin. Les mains se serrent, les bisous claquent sur les joues, et les voix se font plus fortes. La mère Martin a déjà repris sa canne, et se dirige d’un pas peu rassurant vers la porte d’entrée. Étirant mes pattes avant pour me sortir de mes rêves félins, je ne pense alors qu’a une seule chose : me jeter sur les genoux de mon maître pour profiter de caresse. Mais voilà que la vieille dame s’arrête sur mon pelage et en teste la structure de sa main ridées. Bien sûr je n’aime pas décevoir les gens, alors je commence à ronronner, mais c’est un vrai supplice que l’on m’impose à cet instant précis.
_ « C’est un bel animal que vous avez là ! » s’exclame la dame, d’une voix chevrotante,
Mais personne ne semble avoir entendu, et la femme reprend sa dangereuse excursion vers la poignée de la porte, avant de disparaître de mon champ de vision. Je pensais alors pouvoir (enfin !) assouvir mes besoins affectifs, lorsque je m’aperçus que Luca n’était plus à sa place.
Direction la chambre. Le seul endroit où Luca se sent en sécurité, au milieu de ses jouets, entre ces quatre murs de posters de ses stars de basket préféré...

SILENCIEUSES CONVERSATIONS



Nikolaï Kasparov allait atteindre les 74 ans. Pour fêter cela, il avait organisé une petite soirée, où toute sa famille était conviée. Toute ? Pas réellement en fait, juste ce qui lui restait, c'est à dire sa fille et ses deux fils, leurs conjoints et leurs "progéniture" comme il s'amusait à écrire. Il s'était appliqué à faire lui-même les petits cartons d'invitation qui imitaient parfaitement la texture des parchemins, comme du temps où sa femme Lucia, était encore de ce monde. Cela faisait déjà deux ans qu'elle était morte. La folie l'avait emporté : elle disait qu'elle arrivait à percevoir dans sa tête autre chose que ses propres pensés. Pourtant elle n'arrivait pas à définir la chose. Les médecins non plus d'ailleurs, et ils mirent cela sur le compte de la folie. Et ce fut au bout de quinze années d'internement à l'hôpital psychiatrique de Miesh, que Lucia décéda à l'âge de 70 ans, malgré le soutien de Nikolaï et de leurs enfants. Personne ne pouvait comprendre ce qui s'était passé; et Nikolaï en avait du mal à trouver le sommeil la nuit, tant il essayait d'imaginer ce qu'avait pu ressentir sa femme.


Pour l'occasion, Nikolaï avait sorti la nappe rouge, l'avait tendrement recouverte du service en porcelaine, qu'ils avaient eu à leur mariage, et avait soigneusement nettoyé les 8 écrans placés sous la table, devant chaque assiette. La maison rayonnait comme à l'ancien temps. Pour harmoniser les décors, Nikolaï avait pris le soin de déposer un peu partout, des bouquets de roses blanches fraichement coupées.
Moi, comme à mon habitude, j'étais lové en boule sur le tapis près de la cheminée, et j'observais mon maître faire les cent pas dans le salon, en attendant ses invités. De la cuisine s'échappaient les douces saveurs des plats que Ira la cuisinière, avait préparés.


La première personne à arriver fut Mishka, la fille de Nikolaï. Benjamine de la famille, elle était encore célibataire. Elle écrivait qu'elle avait le temps pour s'occuper de son cœur, lorsqu’on abordait le sujet. Les pommettes encore roses de la fraîcheur du dehors, Mishka arborait un grand sourire à son père. Elle lui tendit un paquet surmonté d'un gros ruban, puis s'empara de son télé message portatif, pianota quelques temps, et montra l'écran à Nikolaï.
L'homme lisait calmement les lignes, et son regard croisant celui de sa fille, il l'embrassa. Puis il prit le paquet et le déballa. C'était un livre d’Anatola Griete, celui qui faisait fureur sur le net. Nikolaï était heureux, et il le fit savoir à sa fille, par le biais de son propre télé message.


Je ne sais pas si c'était la chaleur ou la fatigue, mais quoi qu'il en soit je me suis assoupi juste après l'arrivée de Mishka. Lorsque je rouvris les yeux, tous les invités étaient là. Tout autour de moi, ils s'échangeaient des poignées de mains, des baisers, des messages. La maison habituellement si calme, si vide, était soudainement remplie de joie.
Alors que j'allais sauter dans mon fauteuil, je m'aperçus qu'il était rempli de cadeaux. Me faufilant entre les jambes des convives, je voulu aller aux cuisines, pour voir si Ira n'avait pas quelque chose pour moi, lorsqu'une main s'abattit sur moi pour me caresser. C'était Floryse, la fille d’Igorio, un des garçons de Nikolaï. Elle me prit dans ses bras, et ce fut alors un flot de mains qui voulurent tâter mon pelage que j'avais soigneusement lustré. Les doigts passaient et repassaient le long de mon dos, me provoquant des milliers de frissons. L'humain avait besoins de toucher, de palper la matière; comme il avait besoin de trier les odeurs une à une, lorsque Ira amena le premier plat. Les invités identifièrent chaque saveur, et en félicitèrent la cuisinière, avant même que les plats furent posés sur la table.
J'avais repris ma place sur le tapis, et je gardais un œil sur les convives, qui mangeaient tout en tapotant sur les claviers. Je savais qu'en plus de s'écrire, ils s'envoyaient des images d'écran à écran, et se répondaient parfois par des sourires ou des signes. Les discussions semblaient très actives...


La chaleur était devenue si étouffante, que j'avais entrepris alors, de m'allonger sur le rebord de la fenêtre qui surplombait la salle à manger. Tout en faisant un brin de toilette, j'observais ces humains dans leur silencieuse conversation. Leurs doigts d'une main couraient sur les claviers, pendant que ceux de l'autre main leur apportaient délicatement les mets à la bouche. Le synchronisme parfais, qui se répétait, et se répétait sans cesse à chaque repas.


C'est alors que Mishka fit tomber sa fourchette en argent, sur le sol carrelé. Personne ne se préoccupa de l'incident, car personne ne l'avait vu..., mais Nikolaï sursauta. Ce n'était pas la première fois que cela se produisait, mais il ne voulait pas l'avouer; il ne voulait pas finir comme sa femme. Le repas allait prendre fin, lorsque Nikolaï attira à nouveau mon attention ce jour-là. Le gâteau était sur la table, et les 74 bougies attendaient d'être soufflées. Et là, alors que tous s'échangeaient des messages à toute vitesse... Nikolaï se leva, et posa son index sur sa bouche. Réflexe incompréhensible pour tous les autres, mais moi...



Moi je venais de comprendre.

UN DETOUR EN ENFER




-Vous êtes sûr que l'on ne s'est pas trompé de route ?

Le chauffeur du bus se retourna doucement vers notre professeur de français.

-Non ma p'tite dame, je n'ai fait qu'suivre les panneaux ; j'le s'rais si je m'étais trompé d'chemin !
Puis se retournant vers nous, il lança :

-Allez, asseyez-vous. J'ai vérifié la carte, on devrait bientôt arriver.

Et le moteur redémarra. Le bus sortie de l'aire de repos, pour reprendre l'autoroute. Cela faisait déjà 4 heures que nous roulions, et l'on n'était toujours pas arrivé. La pluie commença à tomber, puis ce fut la neige.

Nous avions voulu faire un voyage de classe, et après bien des difficultés, nous y étions arrivé : une semaine de ski, juste avant les vacances de Noël. Notre classe de 5° n'était pas si nombreuse, et nous avions tous pu partir.

La neige tombait de plus en plus fort ; et les rafales de vent n'arrangeaient rien. Le bus tanguait à certains moments. Nous roulâmes une heure au moins au milieu de la tempête, avant que le chauffeur ne se décida à faire une nouvelle pose : c'est à ce moment là qu'il nous avoua qu'il ne savait pas où l'on était. On avait quitté l'autoroute, sans même nous en rendre compte, et l'on se trouvait désormais sur une petite route de campagne, que la neige couvrait à perte de vue. Pas un arbre, pas une maison. Un désert de neige, au milieu d'une tempête.

Les professeurs (deux seulement : anglais et français) pour ne pas céder à la panique générale, cherchaient des solutions à notre problème : ils essayèrent le GPS du bus, mais impossible. Nous étions coupé du reste du monde.

-Faut pas vous en faire comme ça ! Je suis sûr que si on roule un peu sur cette route, nous allons finir par arriver quelque part ! s'exclama le chauffeur, sans avoir vraiment l'air d'y penser. De toute façon, nous étions bien quelque part ; mais l'on sentait dans l'intonation de sa voix qu'il n'était pas rassuré.

Et le bus repris son chemin à travers la campagne. Au bout d'une demi-heure, le paysage était toujours aussi désolant, mais le chauffeur continuait de rouler sous les flocons.

Des filles se sont alors mise à paniquer, en disant que nous ne serons jamais arrivés avant la nuit. C'était vrai, il était déjà 19h30, et l'on n'avait toujours pas rencontré une forme de vie.

-On y arrivera bien un jour ou l'autre à Chamonix ! Cria quelqu'un du fond du car.

-Ouais, mais même si on n'y arrive jamais, nos vacances ne seront pas perdues ! Nous n'avons qu’à sortir dehors pour être dans la neige !

Quelques rires fusèrent, mais la plupart ne voulaient pas en arriver à ce point là. Chacun essayait de faire passer le temps comme il le pouvait, mais lorsque la nuit fut totale, nous fûmes tous horrifiés. Tous. Car la nuit était d'un noir profond, et que la route était tellement enneigée, qu'elle en était devenue impraticable.
Nous dûmes alors passer notre première nuit dans le bus. Malgré qu'il fût inconfortable, que le chauffage ne fonctionnait pas très bien, et que nous n'avions quasiment rien à manger.

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Le lendemain matin, parut en première page du quotidien "Le Fartose", l'affaire de la disparition de 26 personnes dont 23 enfants.

« En effet, on aurait retrouvé le bus qui les transportait pour Chamonix, dans une forêt proche de la petite ville de Salem. Seulement 10 corps furent retrouvés, dans des états si effroyables, qu'ils étaient méconnaissables. Ce tel acte de barbarisme a obligé les médias à censurer les images de cette affaire. "

Malheureusement, un flot de photos circulaient déjà sur Internet, montrant le corps mutilé d'un jeune garçon, par terre pas loin d'un bus couvert de traces de sang séchées et de lambeaux de peau en putréfaction, levant son seul bras en l'air en direction de l'objectif. Tout autour de lui des morceaux de jambes, une tête, des doigts..., font le festin de quelques oiseaux charognards et de centaines de mouches.

L'affaire est toujours en cours, et le pays entier est mobilisé pour étudier ce cas si dramatique... »

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L’enfant cours à travers les arbres. Des ronces lui écorchent les jambes, mais la peur de ce qu'il y a derrière, lui donne subitement des ailes. C'est horrible ! Tout ce sang...
Il sent son souffle devenir irrégulier...
Plus que quelques mètres pourtant avant d’atteindre la route principale, mais sortir du bois lui semble une épreuve interminable.
Ils sont tout proche !...

« Ils vont... Laissez moi !!!... »

Le garçon trébuche, sa tête plonge dans la neige. Il n’a que le temps de se rouler sur le côté, la bouche remplie d’un mélange de glace et de terre, pour apercevoir que la chose vient de le rattraper. Ouvrant grand la bouche pour crier, les mots viennent d’eux-mêmes :
« Je vais... Je vais... NOOOOOOOOOOOOONNNNNNNNNNNNNNN PAS MOI !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! »
Et il s’effondre, sans attendre le craquement de ses os se brisant sous la puissante mâchoire de ses poursuivants.

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Bip...Bip...Bip...

_ Laissez moi tranquille, je n'ai plus rien à vous dire...

_ Détrompez-vous mon cher! Il nous reste encore beaucoup de chose à savoir...Vous devez parler.

_ Je veux oublier... OUBLIER VOUS COMPRENEZ ?!! Ce que j'ai vécu est trop...

_ Vous ne m'avez pas tout dit. Racontez moi tout depuis le début, c'est pour notre enquête que nous devons vous poser toutes ces questions. Je sais que ce ne dois pas être facile pour vous de ressasser de pareils souvenirs, mais nous ne voudrions pas que ce qui est arrivé a votre classe, se reproduise. Nous devons éclaircir ce mystère. Vous comprenez jeune homme …Guillaume… Je peux t’appeler par ton prénom ?

Bip...Bip...Bip...

_ Je...

_ Oui, depuis le début, sans oublier les détails...

Bip...Bip...Bip...

La salle d’hôpital, si blanche pourtant, s’assombrit totalement. Des arbres l’empêchent de discerner les murs. Des plantes viennent envahir la totalité de la pièce, et très rapidement il commence a ressentir le froid lui glacer le visage. Il tente de tirer le drap blanc sur lui, mais c’est de la neige qui blanchit ses mains.
L’animal a finit par le rattraper finalement, il sent son souffle lui parcourir l’échine. Combien de temps a-t-il été inconscient ? La bête serait-elle restée à ses côtés, sans même oser le toucher ?
Guillaume à la tête qui tourne sous toutes ces questions qui se bousculent dans sa tête, mais la peur de son poursuivant l’empêche de bouger. D’un coup d’œil il regarde s’il ne lui manque aucun membre. Rien. Etrange.
D’un coup de langue, l’animal lui enlève les traces qu’il avait sur le visage. Ses joues se réchauffent dès le second coup de langue, et ne comprenant pas ce qui lui arrive, il tente de se remettre tant bien que mal sur ses pieds, et il lui faut plusieurs tentatives avant d’y arriver. La créature recule doucement, puis se couche devant lui, abaissant ses petites oreilles devant ses yeux rouges. Sa longue queue s’enroule sur elle-même, laissant penser que l’animal s’est plongé dans un sommeil réparateur.
Malgré la neige qui continu de tomber sans cesse, Guillaume n’a plus froid. D’une main tremblante, il essuie ses joues, et remarque horrifié qu’elles se recouvrent d’un liquide gluant et chaud… Du sang !

Ses jambes ne le soutiennent plus, et il s’effondre comme une masse, dans un noir absolu, pour finalement se réveiller en sursaut dans la chambre d’hôpital qui a repris son aspect d’avant, avec cet inspecteur qui continu de remplir son petit carnet en marmonnant dans sa moustache :

_ C’est bien Guillaume ! Je suis fier de toi ! Mais j’aurai encore quelques questions à te poser à propose de cette créature…

Bip...Bip...Bip...

Une infirmière entre alors dans la chambre, venant informer le policier que le temps des visites est terminé, et qu’il faut laisser du temps au jeune pour se remettre de ses émotions.
Se résignant à quitter son siège, l’inspecteur se dirige vers la porte, non sans jeter un dernier regard en direction de ce petit corps immobile, étendu sur le lit.

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1h23_ La lune se fait absente au dessus de la grande bâtisse, du centre de recherche génétique. Depuis sa loge, le gardien scrute ce ciel nuageux; une main soutenant le rideau poussiéreux, tandis que l'autre amène la tasse de café, aux lèvres du vieil homme. Cela fera bientôt 36 ans qu’Olivier effectue ce travail de gardiennage, à bosser comme une chauve-souris, toute la nuit dans cette pièce qui renferme un bureau, une cuisine et un WC. La télé d’angle fait défiler les images des informations, tandis que le vieux transistor posé sur le bureau, entre le téléphone et l’ordinateur, émet un vieux blues des années 40.
Olivier revient s’asseoir dans le siège de son bureau, étale deux pieds déchaussés sur le plan de travail, et sort une cigarette de sa poche. Une fumée bleue envahit rapidement la pièce. En face de l’homme, sur le mur, un grand panneau représentant chaque partie du bâtiment y est accroché. Une multitude de voyants permet de prévenir toute intrusion. A la télévision, un mannequin présente les bienfaits d’une nouvelle crème hydratante, pendant qu’à la radio le présentateur fait un discours sur le manque d’originalité des groupes d’aujourd’hui.
Soudain, un des voyants se met à clignoter. Olivier sort de sa rêverie, coince sa cigarette au coin des lèvres, et entreprend de se chausser tout en enfilant son imperméable. Puis il attrape le trousseau de clefs punaisé à la porte, et va donner un coup de pied dans une panière à l’angle de la pièce. Un berger Allemand en sort, encore tout fatigué. Homme et chien sortent de la pièce, mais l’homme revient vite pour s’emparer du Beretta posé sur le bureau. La porte se ferme enfin à double tour.
Dehors il y a un vent particulièrement frais. Olivier remonte le col de son manteau, tout en se dirigeant vers la porte de service de l’institut. Le bâtiment s’imposait de sa forme hexagonale à 6 étages, au milieu de ce désert de verdure. Suivit de son chien, Olivier s’engouffre dans l’ascenseur, pour dénicher l’intrus du sous-sol. L’homme sait que l’intrus ne peut pas s’échapper, vu qu’il n’y a qu’une seule sortie vers l’extérieur, et que celle-ci est électrifiée. Mais Olivier a peur ; il sent le danger, et par prudence il enlève la sécurité de son arme. Les portes coulissent soudainement, laissant voir un immense couloir blanc. Après avoir vérifié dans chaque pièce que personne ne s’y cachait, l’homme introduit une clef magnétique dans une lourde porte, sur laquelle un panneau annonce « Zone interdite ». Un autre couloir apparaît. De part et d’autre, des cages renferment des animaux endormis, malgré le bruit assourdissant de la sirène d’alarme qui indique un problème à l’étage inférieur.
Olivier se met à courir, pénètre dans une pièce, pose son arme sur un établi, et s’empare d’une mallette renfermant une arbalète. Puis il ouvre une petite boite de fléchettes chloroformées, et en charge l’arbalète. Prenant son courage à deux mains, il dévale les marches pour accéder au niveau inférieur, introduit la clef et… La porte s’ouvre brusquement, projetant Olivier contre le mur. Une main écailleuse prend l’arbalète. Olivier voit la fléchette entre ses deux yeux, mais il n’a pas la force de bouger. Du sang se met à couler sur son œil droit, puis c’est le noir total. Il a juste le temps d’entendre son chien se faire déchiqueter.

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12 janvier 2052,

Une feuille tomba sur le sol humide du boulevard Gambetta. C'était un jour pas comme les autres pour Oscar; qui avait espéré la voir. Elle, la bête, celle que tous le monde traque ces derniers temps. Depuis le petit matin, il était là, assis à la terrasse d'un café, sirotant à petites gorgées son 10 ème chocolat. Le vent frais lui redonna le courage de patienter un peu plus. A l'âge de 17 ans, sa vie n'était que renfermement, il refusait toutes discutions, mise à part celles qu'il avait pour lui-même. Considéré par ses amis comme un solitaire, il ne s'était jamais plaint des remarques que l'on faisait sur son passage. Mais Oscar ne donnait pas la vision qu'il aurait aimé montrer : jamais il n'avait fait quelque chose d'intéressant, jamais on lui avait dit quelque chose de gentil... Jamais. A sa naissance sa mère mourut, et son père se suicida lors de ses 11 ans. Mais il cachait cela au monde. Il cachait aussi le fait qu'il vivait seul dans une chambre de bonne, à deux pas de la place Mendès-france. Aujourd'hui était enfin arrivé le jour où il pourrait montrer ce dont il est capable de faire. La police fédérale de la citée cadurcienne offrait 1 000 herlots à qui prendrait une photo d'une des 26 créatures génétiques en liberté dans le monde depuis une cinquantaine d'années, et il avait sauté sur l'occasion.
Tout en relevant le col de son manteau, il se mit à scruter la sombre rue qui se présentait face à lui. Rien ne se passait. On lui avait pourtant dit qu’une des créatures se cachait dans les parages. Se pourrait-il que quelqu'un l'ait caché chez lui ? Non, ce ne pouvait être possible; les derniers hybrides que la France avait formé, n'étaient que des armes de guerres, des êtres sans âmes, sans... Oscar réfléchissait lorsque soudain le cri d'une jeune femme le rappela à la réalité. Il leva la tête, et vit une femme sortir en courant, de la rue qu'il surveillait quelques minutes auparavant. Elle avait l'air hystérique; elle hurlait qu'il y avait un monstre chez elle.
S'emparant de son photimp, Oscar se rua dans la rue. Ses pieds pataugeaient dans une boue visqueuse, légèrement verte, sûrement due à la pollution des égouts, dans lesquels l'usine de traitements organiques, déversait les rejets. Il ralentit son allure, à l'approche de bruits suspects venant de derrière une porte. Son photimp en bandoulière, il sortit son menorg de sa poche. Ces armes commerciales et peu chères étaient assez utiles contre les agressions possibles dans les rues de Cahors... Surtout depuis que le gouvernement avait voté la loi de non jugement. La dictature n'était pas bien vue par tout le monde; l'on avait vu des groupes de résistants, s'opposer aux lois de Marco, dictateur de la France depuis la révolte de 2036. Mais Oscar lui, ne voulait pas entendre parler de politique.
Son photimp d'une main, et son menorg de l'autre, il abaissa la poignée de la porte d'entrée... Retenant son souffle il poussa doucement la porte, tout en sentant son coeur cogner dans sa poitrine de métal. Alors il ne put retenir un cri d'horreur; il se trouvait face à la bête, il sentait son souffle glacé sur son visage; mais n'osait faire un geste. Ce fut l'animal qui le fit; malheureusement pour lui...



20 jours plus tard, un commando d'octones trouva le corps du jeune homme, dans un état de décomposition inimaginable. Mais l'on retrouva aussi le photimp. Il ne restait plus qu’à faire développer les photos en 3 dimensions. Ce qui fut fait rapidement. Mais le gouvernement ne voulait dévoiler de pareilles photos à la population qui aurait pu se révolter contre les manipulations génétiques. Le monde devait ignorer. Tout cela devait rester une légende, visant à conditionner les esprits. Seule la citée cadurcienne connaissait la vérité, mais ne le criait pas sur les toits, de peur d'être excommunié de l'Europe. Il va sans dire que les photos ne furent jamais dévoilées: Cela faisait près de 70 ans que l'on cachait la vérité sur ces bêtes, et le secret devait encore tenir jusqu'au siècle prochain au moins...

Mais le jour LA Vérité viendra, et le régime tombera...

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Une page de pub annonce la fin du film.
Morphé voudrait lutter contre ce sommeil envahisseur, mais il tombe rapidement dans les bras du mythique personnage dont il porte le nom…

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Il ferma les yeux. Les bras tendus, il pointait l'arme en direction du monstre. Sa main tremblait, mais la seule vue des cadavres à ses pieds lui donna le courage d'appuyer sur la gâchette. La bête gémissait dans un coin de la chambre. Couverte de sang, le garçon ne lui avait pas laissé finir sa proie. Un second coup partit, mais ne fit aucun effet sur le monstre, qui commença lentement à s'approcher de lui. Dans son mouvement de recul, il vida tout son chargeur en direction des gémissements. Mais il savait qu'il ne pouvait rien avec un pinball contre cette chose horrible qui avait éventré ses compagnons de chambre. Il se remémora ce qu'il s'était passé : l'alarme du pensionnat; lui et ses deux amis dans la chambre, qui avaient tardé à se lever, croyant que c'était une simulation d'incendie; et puis la fermeture automatique des portes anti-feu de la chambre. Ils étaient hermétiquement enfermés. Ils ne furent conscient du danger, seulement lorsqu'ils aperçurent les deux yeux rouges de la bête, les regarder fixement. Au bout d'une minute, l'animal, l'animal ne montrant aucun signe d'hostilité, ils finirent par s'approcher prudemment. C'est à ce moment là qu'elle sauta au cou de l'un d'eux, l'égorgeant d'un coup de dent. Leur compagnon ne souffrit pas longtemps, car la bête eue vite fait de découper des morceaux de chair dans le corps encore chaud du jeune garçon. L'horreur gagna les deux autres qui allèrent se cacher, tout en regardant la bête se nourrir. Ce qui se passait sous leurs yeux était véritablement atroce. L'odeur du sang empestait la pièce qui ne renouvelait pas l'air. S'armant des choses les plus pointus qu'ils purent trouver, et prenant leur courage à deux mains, ils se jetèrent sur le monstre. Un combat des plus sauvages commença. Mais il ne fallu pas longtemps à la bête pour égorger un deuxième garçon. Le dernier réussit toutefois à planter un compas dans la chair de l'animal, qui dans un rugissement alla se réfugier dans un coin sombre de la pièce. Le garçon savait qu'elle le regardait. Léchant ses plaies, elle attendait un moment d'inattention du jeune, pour le tuer. Il le savait, et n'allait pas la laisser faire. Il s'arma de son pinball qu'il avait apporté illicitement à l'internat, et visa la bête...
Elle s'approchait de plus en plus. Lentement, mais sûr d'elle. Une étincelle de joie brilla dans ses yeux rouges sans pupilles. Il entendit le déclic de la porte qui se déverrouille, mais c'était trop tard, il n'eu même pas le temps de crier, que la bête était déjà sur lui et...

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... Le réveilla en sursaut.
- Crapule va-t'en ! S'égosilla Morphé.
Mais il n'eut pour toute réponse qu'un coup de langue en travers de la joue. Repoussant l'animal il se leva. Son chat faisait sa toilette. Il l'appela. Mais lorsque la tête de l'animal pivota dans sa direction, ce n'est pas deux yeux verts à pupille vertical qui le fixèrent; mais deux yeux rouges sang, sans pupille, qui le regardait d'un air de défi...

L'ORAGE

Dehors le temps était orageux. Les gouttes de pluie, nombreuses et épaisses, venaient s’écraser inlassablement contre la vitre où émilien avait posé sa main. Cela faisait déjà plus d’une heure qu’il était là, assis sur le rebord de la fenêtre de sa chambre, le visage collé contre la surface de verre, à scruter les éclairs derrière la colline. De temps en temps il essuyait du revers de sa manche, d’un geste méthodique, la buée formée par son souffle.
La maison était si vide depuis quelques jours… Ses parents lui avaient laissé la garde des lieux pendant qu’ils étaient en voyage en Tunisie, alors qu’il n’avait que 13 ans. Mais qu’importait vraiment l’âge tout compte fait ? Il avait su démontrer par son courage dans certaines épreuves de sa vie, qu’il était apte à affronter n’importe quelle situation.
Pour l’instant il attendait patiemment là, à compter entre chaque coup de tonnerre et chaque éclair, pour déterminer le temps que mettra l’orage à arriver au dessus de la maison. Anxieux, émilien ne cessait de passer la main dans ses long cheveux, blonds et bouclés à la fois_ « Comme les Anges disait sa mère »_ sans pour autant détourner son regard de la colline.
Les éclairs devenaient de plus en plus fréquent, illuminant à chaque fois la chambre du garçon, qui pensait que l’obscurité allait le protéger des foudres des Dieux. A cette âge, on a une imagination des plus troublantes, mais Emilien avait entendu dire que son frère jumeau était mort à cause de la lumière_ « Un éclat éblouissant à emporté Guillaume au ciel mon poussin. Mais il ne faut pas pleurer Emilien… Tu n’y es absolument pour rien… », Lui avait un jour dit son père, les yeux gonflés par la tristesse de ce matin d’automne, alors qu’il revenait de son week-end chez un ami. Le garçon ne comprenait pas le sens de ces mots, mais il savait une chose : ne plus attendre Guillaume. Il ne pourra jamais oublier le sourire de son frère lorsqu’ils jouaient ensemble sur le tapis du salon ; ni même oublier les batailles de coussins avant d’aller dormir. Aujourd’hui il était seul. Seul a affronter cet orage qui lui faisait si peur. Pourtant, malgré toute sa volonté a rester éveillé a cette heure si tardive, ses paupières se fermaient lentement, jusqu'à rester totalement closes.
La main glissa sur la vitre, laissant une traînée humide.
Sa tête s’affaissa sur le côté, laissant libre cour à son corps subitement désarticulé tel un pantin de bois… Il suffirait d’un seul mouvement pour qu’Emilien se retrouve sur le sol froid. Mais l’immobilité est parfaite.
Peut être même trop parfaite. Cela ne semble point naturel. Pas même un frémissement, ni le moindre signe de respiration. Un calme plat, comme si le temps venait de s’arrêter tout à coup. En réalité, le garçon est dans les bras de Morphée, qui l’aide à rattraper ces deux nuits de cauchemar qui le faisait se réveiller en sursaut à n’importe quelle heure de la nuit. Toujours le même rêve : celui de son frère assis au bord du lit, les pied battant dans le vide et le regard fixé inexpressif en direction de la fenêtre…
Dehors la pluie a cessé déjà, et l’orage est bien loin. La nature elle-même semble ne pas vouloir déranger ce sommeil si précieux.

Chut.
Venez…
Oui ! Suivez moi ! Laissons Emilien dans ses songes.
Demain sera un jour nouveau pour lui… Lorsqu’il remarquera les traînés de sang séché sur la moquette du salon. Mais rassurez-vous ! Ce n’était qu’un oubli. Ils n’auraient pas été assez stupides pour « faire exprès » de tout nettoyer sauf cette tache brunâtre…